Une somme sur les liens de la Bretagne avec l’Irlande et la Grande-Bretagne entre 400 et 1203
Les ouvrages attestés en Bretagne à cette époque concernent tous les domaines du savoir médiéval
Le quatrième chapitre étudie les contacts insulaires et la culture manuscrite en Bretagne aux IXe-Xe siècles. Par opposition à la rareté des témoignages conservés pour les siècles précédents, il existe 225 manuscrits de cette époque qui peuvent être rattachés à la Bretagne par le contenu, les gloses en langue bretonne, l’écriture ou la décoration. L’étude détaillée fournie dans cet ouvrage peut désormais être complétée par le catalogue systématique proposé en ligne par Jacopo Bisagni[1] qui ne retient l’attribution à la Bretagne que pour une partie d’entre eux. S’il existe des indications fortes soulignant la continuité d’une culture écrite en Bretagne comme dans le monde insulaire et franc, la floraison de manuscrits conservés copiés aux IXe-Xe siècles ne la reflète sans doute qu’indirectement, car elle s’insère dans le développement général et la circulation des écrits à l’échelle du christianisme latin.
Les ouvrages attestés en Bretagne à cette époque concernent tous les domaines du savoir médiéval (commentaires de la Bible, textes normatifs, grammaticaux, éducatifs, scientifiques, poétiques et historiques). Ils montrent l’intégration en Bretagne des éléments spécifiques développés dans le monde irlandais comme franc, mais suivant des chaînes de transmission extrêmement complexes, qui révèlent avant tout une collaboration intense. Après cette période, un nombre notable de manuscrits liés à la Bretagne fut acquis en Angleterre, sans qu’il soit possible de déterminer si ce transfert correspondait à des liens anciens ou renouvelés.
Le chapitre 5 traite de la Bretagne et son histoire entre 919 et 1066, de l’invasion à la conquête. Cette période fut celle de l’émergence de nouvelles élites bretonnes, avec les familles des comtes de Rennes et des seigneurs de Dol-Combourg, puis des comtes de Cornouaille, mais aussi d’une diffusion sans égale des reliques de saints bretons, aussi bien en réaction aux attaques vikings que par des liens ecclésiastiques dans la vallée de la Loire ou en Grande-Bretagne, via la collection constituée par le roi Æthelstan. Les Vies de saints bretons élaborées pendant cette période montrent une grande fluidité, des versions concurrentes pouvant être élaborées en même temps, suivant les intérêts des hagiographes, en référence ou en décalage avec les vies écrites précédemment.
La Bretagne entre 400 et 1203 : une structure géographique et sociale limitée
Le chapitre 7 étudie la position des Bretons et des Gallois dans les empires angevin et normand, entre 1066 et 1203, lorsque la mort d’Arthur, fils de la duchesse de Bretagne Constance et de Geoffroy, fils d’Henri II, provoqua le ralliement de la noblesse bretonne au roi de France Philippe Auguste. Les élites bretonnes furent intégrées sous la domination normande dès la fin du Xe siècle et furent ainsi associées à la conquête de la Grande-Bretagne. Le Livre de Llandaf (compilé entre 1120 et 1134), que l’auteur attribue à Caradog de Llancarfan, de même que l’œuvre de Geoffroy de Monmouth, auteur proche du premier dont l’Histoire des rois de Bretagne fut composée entre 1136 et 1138, témoignent de l’intensité des contacts littéraires entre Bretons et Gallois au XIIe siècle et de l’exploitation d’un même riche matériel. Mais dans la tradition médiévale galloise postérieure, la Bretagne apparaît comme un point d’intérêt, sans révéler de contacts privilégiés comme aux époques précédentes.
L’autrice conclut son étude en soulignant que la Bretagne, entre 400 et 1203, était caractérisée par une structure géographique et sociale qui ne permettait pas le développement local d’un pouvoir politique étendu. La domination sur un grand territoire n’y fut jamais établie que de façon externe, depuis la Grande-Bretagne, le monde franc, la Normandie ou l’Anjou, mais les pouvoirs locaux ne furent véritablement absorbés que lorsque la croissance économique et bureaucratique permit l’émergence de l’État, au Moyen Âge central.
Magali COUMERT
[1]. « A Descriptive Handlist of Breton Manuscripts, c. AD 780 – 1100 » : https://ircabritt.nuigalway.ie/ handlist, consulté le 02/01/2023.
Cette recension a été initialement publiée en 2022 dans le tome CI (2023) des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 664-668.
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