La correspondance d’Anne de Bretagne : une contribution majeure à l’histoire du duché de Bretagne et du royaume de France

Michel NASSIET, Anne de Bretagne, Correspondances et itinéraire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Mémoire Commune », 2022, 394 p.

Il s’agit de l’ouvrage le plus important publié sur la duchesse-reine Anne depuis de nombreuses années et, à son tour, il informera et stimulera de nombreux champs de recherche différents. Il fournit avant tout la plus importante collection publiée à ce jour de la correspondance personnelle d’Anne en tant que duchesse de Bretagne (1488-1491)puis en tant que reine de France (1491-1514), c’est-à-dire la&n correspondance active — lettres closes, missives — par opposition aux lettres patentes, mandements et autres actes administratifs émis en son nom, ainsi qu’une liste complète des lettres entrantes similaires connues, formant la correspondance passive, qui lui ont été adressées directement par des papes, des rois et des reines et d’autres personnes, dont une sélection est également entièrement éditée.

Très jeune, Anne veut garder la maîtrise de son destin

Pour les premières années tumultueuses de son règne en tant que duchesse, seules quinze lettres personnelles d’Anne ont survécu ainsi que six lettres reçues qui ont toutes été publiées dans leur intégralité, alors que trois des lettres d’Anne et trois des lettres reçues ne l’avaient jamais été (p. 71-102). La précocité et les talents intellectuels et pratiques d’Anne sont évidents dès le début, lorsque, âgée de seulement 11 ou 12 ans, elle commence à signer et à ajouter des notes autographes à sa correspondance.

Ces premiers documents comprennent, par exemple, ce que l’on peut considérer comme la lettre unique la plus importante sur les affaires politiques qu’Anne ait laissée, un très long compte rendu personnel adressé au Grand Maître et Grand Écuyer d’Angleterre, récemment arrivé dans le duché avec 6 000 hommes de troupe envoyés par Henri VII, sur les événements de l’hiver 1488-1489 où elle était menacée de mariage avec son lointain cousin sexagénaire Alain d’Albret et sur la révolte des grands nobles, menée par Jean, sire de Rieux (no XIII, redaté de façon convaincante du 22 mai 1490 au 22 mai 1489, p. 78-90). On y trouve, entre autres, une description vivante des insultes, des menaces physiques et des dangers qu’elle avait affrontés en janvier 1489, et de l’aide qu’elle avait reçue de son cousin, Jean de Chalon, prince d’Orange, pour garder la maîtrise de son destin.

Pour son règne de reine, un catalogue énumère brièvement 410 lettres missives (p. 103-148). Il est suivi de l’édition de 110 d’entre elles, dont la moitié environ n’a pas été publiée auparavant, tandis que d’autres l’avaient été, parfois de manière incorrecte, dans des publications très dispersées et souvent difficilement accessibles (p. 149-250). On y trouve toutes les lettres olographes d’Anne qui ont survécu (malheureusement seulement neuf), datant de 1504, 1510 et 1513, dont huit sont également reproduites en fac-similé, ce qui nous permet de juger de l’impressionnante fluidité et du caractère personnel de son style écrit.