Une somme sur les liens de la Bretagne avec l’Irlande et la Grande-Bretagne entre 400 et 1203
Caroline BRETT, avec Fiona EDMONDS et Paul RUSSELL, Brittany and the Atlantic Archipelago, 450-1200. Contact, Myth, and History, Cambridge, Cambridge University Press, 2022, 479 p.
Commençons par le défaut majeur de ce livre : son prix prohibitif. Il est actuellement vendu au prix de 90 livres sterling, ou 120 dollars américains, soit plus de 100 euros, qu’il soit sous format papier ou électronique ! Nul luxe pourtant dans cet objet dont les 479 pages de texte ne sont complétées que de cartes en noir et blanc, de petite taille, sans échelle et peu lisibles (ex : p. 101, 269). Le coût disproportionné de cet ouvrage nous rappelle l’énergie à mobiliser contre la marchandisation du savoir et l’importance du soutien à une édition scientifique de qualité, accessible à un coût abordable (comme celui fourni par la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne).
Sur chaque page des pistes solidement informées
Le compte rendu proposé ci-dessous ne peut qu’imparfaitement refléter la richesse de l’ouvrage dont chaque page ouvre des pistes solidement informées pour de nouvelles discussions. Les enquêtes futures partiront désormais de ce livre pour développer de nouvelles explorations et il faut louer l’ambition synthétique de l’autrice qui nous lègue ici une somme impressionnante, fruit de sa longue carrière de chercheuse. Ses premières publications remontent à 1986 (dans les actes du colloque Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen Âge, sous la direction de M. Simon, Bannalec) et se sont poursuivies dans le cadre du Department of Anglo-Saxon, Norse and Celtic de l’université de Cambridge.
Il est d’autant plus navrant de prévoir la diffusion restreinte de cet ouvrage, en raison de son prix, qu’il constituera la base de réflexion de toute enquête sur la Bretagne du premier Moyen Âge pour les décennies qui viennent, car les relations transmanche éclairent aussi bien sa genèse que sa transformation continue. Le livre mériterait amplement une traduction rapide.
L’autrice mobilise une érudition très fournie (plus de 1500 références, produites par des chercheurs britanniques et continentaux, sont utilisées) pour exposer les hypothèses antérieures, présenter des synthèses des discussions récentes et proposer ses propres suppositions. La table des matières est restreinte au titre des chapitres, ce qui est fort limité, vu leur richesse, mais cette brièveté est compensée par un index fourni de plus de 30 pages qui rendra de multiples services.
La limite de l’ouvrage tient à sa perspective, telle qu’elle est clairement exposée dans l’introduction. Dans le cadre d’un programme plus général sur l’archipel britannique, il s’agissait d’évaluer la participation de la Bretagne aux réseaux qui lient la Grande-Bretagne et l’Irlande, du retrait de l’empire romain aux conquêtes des rois d’Angleterre. Il ne s’agit donc pas d’une histoire de la Bretagne, mais de celle de ses liens avec les îles voisines. Au vu de la richesse du livre proposé, il ne reste plus qu’à souhaiter qu’un autre travail vienne apporter la perspective complémentaire, en proposant une histoire des relations continentales de la Bretagne au haut Moyen Âge.
Les traces des contacts développés entre la Bretagne et les Îles britanniques
L’élément fondamental des relations étudiées repose sur la langue bretonne, sa proximité avec le cornique et ses liens un peu plus lâches avec le gallois. L’ouvrage commence par une mise au point bienvenue sur les origines et le contexte de la langue bretonne (p. 17-31) : l’autrice réfute les liens avec le gaulois, qui n’ont pu être avancés que lorsque cette langue était moins bien connue, mais souligne que les liens avec le monde insulaire ont maintenu l’intercompréhension sur la période étudiée, car les divergences avec le cornique et le gallois ne sont visibles qu’à partir des Xe-XIe siècles. Pour elle, l’enjeu n’est pas tant de réfléchir à la genèse de la langue bretonne qu’aux conditions spécifiques qui ont permis la conservation d’une langue particulière à l’ouest de la péninsule.