L’armée allemande en Bretagne lors de la dernière année de l’Occupation

La première étude d’ensemble des opérations militaires vue du côté allemand

Le recensement des forces en opérations et de leurs chefs est un apport précieux. L’auteur revient sur les nombreuses attaques allemandes dont la destruction des deux bases de parachutistes du Service Air Service (SAS) de Duault (Côtes-du- Nord) et de Saint-Marcel (Morbihan) ainsi que des maquis mobilisateurs de Saffré (Loire-Inférieure) et de Plésidy-Saint-Connan (Côtes-du-Nord). Les grandes rafles dans les villages du Centre-Bretagne au printemps et à l’été 1944 ne sont pas oubliées. L’analyse des moyens, des tactiques et des techniques répressives des Allemands qui tentent d’éradiquer « les bandes terroristes » nous donne l’autre versant des combats de la libération de la Bretagne.

Cette étude confirme à la fois l’ampleur de l’insurrection après le 6 juin, le lourd tribut payé par les FFI et par la population civile, la dureté de la répression mais aussi que les pertes allemandes sont très faibles, contrairement aux chiffres avancés par les résistants après la guerre. À cet effet, les divisions d’infanterie ont mis sur pied des Kampfgruppe, des groupes de combat chargés de détruire les maquis et de pourchasser les FFI et les parachutistes (SAS). À notre connaissance, c’est la première étude d’ensemble vue du côté allemand de ces opérations militaires qui éclaire de nombreux points : commandement (officiers et sous-officiers souvent poursuivis après la guerre pour crimes de guerre), unités et effectifs engagés, déroulé des opérations et bilan des arrestations, exécutions et autres représailles.

Rafle au Faouët. Photo DR.
Rafle au Faouët. Photo DR.

Le rôle d’une poignée de collaborationnistes français et bretons

La troisième partie traite des « moyens de la répression ». Elle souligne l’importance de la collecte du renseignement pour détruire les organisations de résistance et présente ses principaux acteurs en Bretagne, peu nombreux en hommes mais terriblement efficaces : organismes militaires de la Feldgendarmerie dépendant des corps d’armée, de l’Abwehr et de la Geheimefeldpolizei (GFP), la police secrète militaire, ces outils de la répression souvent confondus.

L’auteur souligne qu’à partir de 1942, ces organismes militaires collaborent sans état d’âme avec les polices nazies, en particulier le SIPO-SD, fusion avant-guerre de la police d’État allemande (criminelle) (Sicherheitspolizei abrégé SIPO) et de la police secrète d’État ou Gestapo avec la police du parti nazi Sicherheitsdienst (SD) issue de la SS. Les chefs, les Aussenkommandos installés dans les principales villes de Bretagne et les actions de ces structures policières sont passées au crible.

Yannick Botrel n’oublie pas non plus, pour souligner l’efficacité de la traque des derniers mois de l’Occupation, de rappeler le rôle d’une poignée de collaborationnistes français et bretons, quelques dizaines d’agents et de miliciens. Sont ainsi répertoriés le Groupe d’action pour la justice sociale du Parti populaire français, le PPF de Jacques Doriot en Ille-et-Vilaine, le groupe Vissault dit de Coëtlogon dans le Finistère, le Bezen Perrot qui participe aux rafles contre les maquis et au centre de torture d’Uzel, la Selbstschutzpolizei (SSP) composée de Français, la présence de la Milice française en Ille-et-Vilaine ou encore les traques du Kommandode Landerneau. Là encore, Yannick Botrel nous donne un tableau d’ensemble des forces de répression allemandes et de leurs auxiliaires. Beaucoup sont condamnés à la Libération.

Y. Botrel apporte sa pierre à l’histoire des derniers mois de l’Occupation en Bretagne

La dernière partie décrit la mise en place, en 1944, des plans de repli des forces allemandes dans les quatre forteresses, stratégie qui entre d’ailleurs en contradiction avec le transfert vers la Normandie le plus rapidement possible des groupes de combat et des divisions allemandes. Les sources allemandes insistent sur les difficultés matérielles (manque de trains et de véhicules routiers), sur les sabotages des voies de communication mais surtout sur l’importance de la guerre aérienne des Alliés, autant de facteurs qui retardent et entravent les déplacements contraignant les troupes (souvent à pied ou à bicyclette) à se déplacer de nuit. En outre, jusqu’au début juillet au moins, les états-majors allemands craignent des opérations aéroportées sur leurs arrières, voire un second débarquement en Bretagne, ce qui nécessite le maintien de troupes importantes dans la péninsule.

Dans son livre, Y. Botrel s’attache à montrer le fonctionnement de la machine de guerre allemande dans ses dimensions militaire et policière. Mais, limites des sources utilisées, on ignore souvent quelles sont les organisations résistantes. Par exemple, l’activité de la résistance communiste et des Francs-tireurs et partisans (FTP) est indiquée mais pas toujours précisée. Ainsi, lors de la chute des cadres du Parti communiste français (PCF) et du Front national des Côtes-du-Nord à l’été 1943, l’auteur s’en tient aux rapports de police français qui ignorent la trahison de Léon Renard-André.

De même, plus étonnant, il est fait état des nombreux sabotages en 1944 de la voie ferrée Paris-Brest dans la région de Plouaret mais ils ne sont pas attribués à la compagnie FTP La Marseillaise détruite par les Allemands. Signalons une erreur factuelle (ou une coquille ?), page 239, note 452 : le groupe de résistance brestois Élie n’a pas été démantelé en 1942 mais dès le mois de mai 1941. Y. Botrel apporte sa pierre à l’histoire des derniers mois de l’Occupation en Bretagne mais il fait peu appel aux travaux des historiens (sur la Bretagne pendant la guerre, l’armée allemande ou la politique de répression de l’occupant).

Christian BOUGEARD

  • (1) Aviculteur de profession, Yannick Botrel a été maire socialiste de Bourbriac (1995-2014), conseiller général et sénateur (PS) des Côtes-d’Armor (2008-2020).
  • (2) Rapports d’activité du XXVe corps d’armée allemand en occupation en Bretagne (13 décembre 1940-20 novembre 1944), Paris, ministère de la Défense, 1978, 435 p.

  • Cette recension a été initialement publiée dans le tome CII – 2024 des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 567-570.
  • Remerciements aux éditions Skol Vreizh pour les photos d’archives illustrant l’ouvrage de Yannick Botrel.