L’armée allemande en Bretagne lors de la dernière année de l’Occupation
L’ouvrage de Y. Botrel est organisé en quatre parties. La première est une présentation détaillée des troupes allemandes et de leurs supplétifs présents en Bretagne de l’été 1943 à l’été 1944 (origine, parcours avant leur arrivée en Bretagne, composition et localisation des états-majors, mouvements de troupes). Des cartes de localisation des unités et des photographies des principaux officiers et de soldats ainsi que d’utiles tableaux récapitulatifs allègent un texte dense qui passe en revue les huit divisions d’infanterie et de parachutistes stationnées dans la région au 5 juin 1944 alors que la maréchal Rommel a tenté d’accélérer l’achèvement de la construction du Mur de l’Atlantique.
En prévision du grand affrontement, des bataillons de forteresses sont constitués en 1944, en appui de la mise en place, sur ordre d’Hitler, des Festungen. Selon les évaluations et appréciations des officiers allemands tirées des rapports et journaux d’activités des corps d’armée (2) (traduits et consultables au Service historique de la Défense à Vincennes et aux Archives d’Ille-et-Vilaine), il s’avère qu’en 1944 la plupart des divisions d’infanterie sont incomplètes, composées de soldats âgés et peu combatifs, mal équipées et incomplètement motorisées du fait des ponctions effectuées pour les fronts de l’Est.
En compensation, les Allemands font appel, à partir de septembre 1943, à des troupes supplétives, ces Osttruppen désignées sous l’appellation de « Russes blancs ». Elles sont composées de prisonniers de l’Armée rouge passés à leur service ou recrutés dans les régions occupées de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) (Ukrainiens, Géorgiens, etc.). Les exactions et pillages de ces seize bataillons d’Osttruppen, affectés dans les zones côtières, terrorisent la population comme s’en plaignent les autorités françaises. Pour des raisons stratégiques et géographiques, la Bretagne compte aussi des unités de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe. Au total, selon Yannick Botrel, il y aurait eu environ 140 000 soldats le 6 juin 1944 dont 95 000 combattants affectés en Bretagne, les autres assurant les diverses administrations militaires et services logistiques.
Les opérations militaires et policières de l’occupant contre les organisations résistantes et les maquis revisitées
La seconde partie, « L’armée allemande sur le front des maquis », est fort intéressante car si elle n’apporte rien de neuf sur l’histoire de la Résistance en Bretagne, elle revisite les opérations militaires et policières de l’occupant contre les organisations résistantes et les maquis qui se développent à partir du 6 juin 1944. En effet, de manière inversée par rapport aux approches habituelles – le point de vue français et celui des résistants –, c’est la recension à partir des sources allemandes, et parfois françaises, des très nombreuses opérations militaires engagées pour détruire une résistance qui multiplie les actions de sabotages des voies de communication (lignes téléphoniques, « bataille du rail », etc.). L’étude précise quelles sont les unités qui interviennent et les résultats des opérations.
Sans surprise, les statistiques allemandes des sabotages minorent le nombre réel des opérations de la Résistance qui ont été répertoriées, par exemple, par Roger Huguen dans les Côtes-du-Nord (voir ses cartes de l’action de la Résistance). Le dépouillement de toutes les sources françaises (gendarmerie, police, autorités préfectorales) et parfois allemandes avait permis de mesurer l’ampleur de la mobilisation contre les infrastructures de l’occupant. En revanche, Yannick Botrel qui insiste bien sur la montée en puissance de la Résistance et sur le durcissement continu de la répression allemande, nous donne une étude très complète des opérations militaires qui se multiplient partout en juin et juillet 1944.