L’armée allemande en Bretagne lors de la dernière année de l’Occupation

Yannick BOTREL, La Bretagne à l’heure allemande (été 1943-31 juillet 1944). Organisation et déploiement de l’armée allemande, Morlaix, Skol Vreizh, 2022, 359 p.

Appuyé sur de nombreux dépouillements d’archives militaires (allemandes, françaises, alliées), et judiciaires (bretonnes essentiellement), cet ouvrage de Yannick Botrel, un non-professionnel de la recherche historique (1) éclaire la composition et la localisation des armées allemandes en Bretagne dans la dernière année de l’Occupation, celle de l’intensification de la répression militaire et policière contre la Résistance et la population civile.

Le découpage chronologique défini dans l’introduction interroge. Selon l’auteur, le choix de l’été 1943 serait justifié par le débarquement anglo-américain en Sicile et la probabilité d’un débarquement sur les côtes de la Manche, événement qui, selon lui, aurait provoqué « un réveil de l’opinion publique » en Bretagne (p. 87), affirmation pour le moins discutable quand on connaît l’évolution de cette opinion publique depuis 1940-1941, son rejet immédiat de l’occupant allemand et ses ambivalences étudiées par Pierre Laborie. Reprenant des jugements des sources allemandes et des rapports de préfets, l’auteur tend à assimiler « l’attentisme » de l’opinion à l’attente d’un débarquement des Alliés.

Cette attente d’un débarquement allié est effectivement très forte dans tout le pays tout au long de l’année 1943 mais les espoirs de délivrance sont déçus à la fin de l’été. La présence de l’occupant est de plus en plus mal supportée et le rejet du régime de Vichy, déjà très fort, est consommé avec l’instauration du Service du travail obligatoire (STO) (février 1943). L’arrivée du 74e corps d’armée allemand en Bretagne, en charge de la côte nord, en renfort du 25e corps d’armée commandé par le général Fahrmbacher installé depuis 1940, serait sans doute une explication plus pertinente de cette borne chronologique initiale.

Avec la percée d’Avranches, s’ouvre une autre phase de la guerre en Bretagne

Y. Botrel arrête son étude au 31 juillet 1944, lors de la percée d’Avranches qui permet aux Américains, appuyés par les Forces françaises de l’intérieur (FFI), de libérer la Bretagne en quelques jours hormis les forteresses (Festungen) de Saint- Malo et Brest, prises après de très durs combats en août et septembre 1944, et les deux poches de Lorient et de Saint-Nazaire qui tiennent jusqu’en mai 1945. Pour la Wehrmacht, avec la percée d’Avranches, c’est effectivement une autre phase de la guerre en Bretagne qui s’ouvre, celle de l’évacuation des villes et des littoraux, du départ vers le front de Normandie ou du repli sur les forteresses portuaires. Cette courte période d’août 1944, marquée par de nombreux massacres de résistants et de civils, mériterait effectivement une autre étude.