Le procès de canonisation de Charles de Blois, page 1 de couverture

« Croire » à la fin du Moyen Âge : les sources relatives au procès du duc de Bretagne, Charles de Blois

L’élégante traduction française des pièces de procédure

On ne peut ainsi que saluer la qualité de l’ouvrage et l’intérêt de publier intégralement les sources actuellement disponibles relatives au procès de Charles de Blois, tout en prenant bien la mesure que ce dernier demeure incomplet et inachevé : ce qui, compte tenu de l’ampleur de ce premier volume (plus de 800 pages d’édition de texte), sans oublier celui encore à venir sur les suites de la procédure à Avignon de 1372 à 1376, permet de prendre la mesure de la puissance intacte de la machinerie administrative pontificale à la veille du Grand Schisme.

Ajoutons que la lecture des principes d’édition se révèle ici d’autant plus indispensable que l’ouvrage met particulièrement en valeur l’élégante traduction française des pièces de procédure. Restitué en grisé, tandis que la traduction française ressort en gras, le texte latin se retrouve visuellement en retrait. Le basculement au style direct de témoignages élaborés en latin au style indirect peut se justifier au regard des visées pédagogiques de l’ouvrage (p. 31), mais ne peut manquer d’induire chez le lecteur une fausse impression de transparence des sources.

Instruits peut-être des défaillances méthodologiques qui affectent le célèbre Montaillou village occitan d’Emmanuel Leroy-Ladurie (fondé sur une lecture au premier degré des procès-verbaux d’interrogatoire de procès d’inquisition eux aussi transposés au style direct par leur éditeur moderne), les éditeurs scientifiques ont l’obligeance de prévenir le lecteur de ces arrangements avec l’original latin en insistant bien sur le fait que ces textes ne « restituent pas la voix vive des témoins » (p. 12).

On signalera en particulier le vif intérêt des pages qu’Armelle Le Huërou consacre à ces problèmes de traduction (p. 27-32). La mise en tableau synoptique des traductions successives, du latin originel à la version française proposée en passant par une traduction littérale, est un modèle du genre. En revanche, et en tenant compte de ces avertissements techniques au lecteur, dire que ces documents nous proposent une plongée « dans le quotidien des Bretons du XIVe siècle » (p. 14) peut laisser davantage sceptique. À cette réserve ou interrogation près, on redira ici combien il était nécessaire de mettre ces textes à disposition de lecteurs de moins en moins latinistes.

  • Franck MERCIER,
  • Professeur d’histoire médiévale,
  • Université Rennes 2
  • Cette recension a été initialement publiée dans le tome CII-2024 des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 508-510.
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