Une nouvelle revue d’histoire de la Bretagne : quelle lecture de l’histoire ?
Cette nouvelle revue d’histoire de la Bretagne, « semestrielle dans un premier temps » (quatrième de couverture), paraît à l’initiative de Jacques-Yves Le Touze – vice-président de l’Institut culturel de Bretagne –, directeur de la publication, et de Christian Gouerou, journaliste à Ouest-France, rédacteur en chef, qui signe la majeure partie des textes (articles ou interviews). Elle entend se placer dans la continuité de Dalc’homp soñj qui est parue de 1985 à 1989, sous la direction du premier (1).
Sur la photo de l’équipe, colonne de gauche : Armelle Le Guillou, Kristian Gouerou, Jacques-Yves Le Touze, Olwenn Manac’h.
Par rapport à son devancier, Istor Breizh se présente comme un « mook » (format entre le magazine et le livre) et accorde un soin particulier à l’illustration en couleur. L’ambition est d’enseigner au plus grand nombre l’histoire de Bretagne, dont il est regretté qu’elle ne soit pas connue et qui est envisagée comme une histoire « celtique », européenne et mondialisée à partir du XVIe siècle (p. 4).
Des informations intéressantes sur les Seiz Breur
Ce premier numéro présente deux grands dossiers : l’un sur le mouvement des Seiz Breur, avec des contributions de Daniel Le Couédic qui fait un historique du mouvement, Jean-Jacques Monnier (sur la chapelle Saint-Joseph de Lannion), Christian Gouerou (« L’éphémère revue Kornog »), et deux interviews réalisées par ce dernier, l’une de l’artiste plasticienne Laurence-Pauline Boileau qui a réalisé un documentaire sur Jeanne Malivel, l’autre de l’historienne de l’art Saphyr Creston, petite-fille de René-Yves. Le lecteur trouvera dans ces textes des informations intéressantes.
Un autre dossier sur l’exposition « Celtiques ? » : discutable
Le deuxième dossier, qui revient sur l’exposition « Celtiques ? » organisée par le musée de Bretagne en 2022, est plus discutable. Loin de présenter trois points de vue divergents sur cette manifestation comme il est annoncé, il reprend en fait deux positions critiques, celle de Ronan Le Coadic publiée sur son blog de Médiapart, celle de Jean-Michel Le Boulanger interviewé par Christian Gouerou.
La seule analyse, plus nuancée, est celle de la directrice des Champs libres à Rennes, Corinne Poulain, qui a été présentée dans une communication faite, le 4 août 2023, lors du colloque organisé à Lorient pendant le festival sur le thème « Bretagne… celtique ! ». La balance n’est pas égale d’autant que l’introduction au dossier penche en faveur des premiers. Peut-être aurait-il fallu questionner directement Manon Six, commissaire de l’exposition, pour en savoir davantage, car les lecteurs n’ayant pas vu cette dernière ni consulté le catalogue – c’est mon cas – resteront sur leur faim et ne sauront pas trop comment se former une opinion, surtout si la question de leur celtitude ne les préoccupe pas outre mesure.
Les historiens et les intellectuels ne seraient-ils d’accord sur rien ?
Ce qui inquiète, dans ce dossier, est l’idée qui est soutenue par ailleurs à plusieurs reprises dans la revue, que les historiens, les intellectuels ne sont d’accord sur rien et que, partant de là, chacun est libre de se faire son opinion, de se construire sa vérité et son imaginaire et qu’il est donc mal venu de s’attaquer à ceux dont les interprétations seraient différentes. Sans faire de cours de méthodologie de l’histoire comme dans les premiers cycles de l’université (en s’appuyant notamment sur l’Apologie pour l’histoire de Marc Bloch).
