Une chercheuse américaine : une importante contribution à l’histoire de la Bretagne à la fin du Moyen Âge

Erika GRAHAM-GOERING, Princely Power in Late Medieval France. Jeanne de Penthièvre and the War for Brittany, Cambridge, Cambridge University Press, 2020, 288 p.

Je dois tout d’abord souligner mon intérêt personnel pour ce livre. J’ai édité le principal corpus de documents sur lequel le livre de Mme Graham-Goering s’appuie le Recueil des actes de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre, duc et duchesse de Bretagne (1341-1364), suivi des Actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996 (1). Avec Bertrand Yeurc’h et l’auteur, j’ai aussi édité Aux origines de la guerre de succession de Bretagne. Documents (1341-1342), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019. Ainsi, je connais très bien les principales sources du Pouvoir princier.

Un thème clé relatif à l’exercice du pouvoir par les femmes à la fin du Moyen Âge

Le livre impressionne à de nombreux niveaux, en particulier en tant que première monographie d’une jeune chercheuse américaine, qui enseigne actuellement à l’université d’Oslo. L’ouvrage est extrêmement bien construit, avec un plan très clair exposé en détail dans l’introduction et rigoureusement exécuté dans les sept chapitres suivants. Il est écrit avec assurance et fluidité, et s’appuie sur des arguments subtils avancés logiquement, fondés sur une connaissance intime d’un large éventail de différents types de sources.

Il n’est pas conçu comme un long récit biographique de Jeanne en tant que duchesse de Bretagne mais comme un récit qui, largement déterminé par la nature des sources, est sélectif et thématique au fur et à mesure que les différents aspects de son règne sont disséqués. La discussion s’inscrit dans un cadre conceptuel solide fondé sur une lecture critique de l’abondante littérature qui a vu le jour ces dernières décennies sur des thèmes clés relatifs à l’exercice du pouvoir, en particulier par les femmes à la fin du Moyen Âge.

La grande nouveauté de cette étude : traiter du pouvoir princier plutôt que du pouvoir monarchique

Ce contexte historiographique est soigneusement passé en revue. Une grande partie de ces travaux récents ont porté sur la royauté. La grande nouveauté de cette étude est qu’elle traite du pouvoir princier plutôt que du pouvoir monarchique, ce qui permet d’identifier les similitudes et les différences entre les deux. Comme le montre Mme Graham-Goering, il n’existe pas de forme unique de pouvoir princier, de même que la nature et les ambitions du pouvoir monarchique ne sont pas uniformes dans toute l’Europe occidentale.

En outre, comme Jeanne détenait certains de ses domaines non pas en tant que duchesse mais en tant que « dame », il est également question du pouvoir « noble » et de la manière dont il diffère du pouvoir princier ou monarchique. Cette reconnaissance permet à l’auteur de fournir une analyse extrêmement nuancée du rôle de la duchesse dans la gestion de ses territoires disparates. La discussion sur le concept de « pouvoir imbriqué » est extrêmement instructive.

Des événements d’une importance cruciale pour l’émergence du duché en tant qu’État médiéval

Certains enseignements des études féministes et des études de genre, qui se sont également développées au cours de la dernière génération, sont appliqués avec soin. Je ne ferai pas de longs commentaires, si ce n’est pour dire que l’exposition exhaustive des différents points de vue semble admirablement juste, alors que Mme Graham-Goering navigue entre des opinions souvent très tranchées. Les questions théoriques ou méthodologiques soulevées par cette littérature sont mises en parallèle, de manière instructive, avec les informations très concrètes que l’auteur peut tirer de ses sources principales sur le règne de Jeanne en tant que princesse, duchesse, épouse ou co-seigneur, du vivant de son mari, et, dans des circonstances très différentes, pendant les vingt années qui lui restaient à vivre après la mort de Charles de Blois.