Les dernières avancées de la recherche sur l’abbaye romane de Landévennec
Guénolé RIDOUX (coord.), L’abbaye de Landévennec en l’an mille. L’âge roman, Spézet, Coop Breizh, 2023, 144 p.
Il s’agit d’un petit ouvrage [1] au contenu extrêmement dense et richement illustré avec des restitutions des élévations de l’abbaye particulièrement utiles pour suivre les étapes du chantier de construction roman. Après l’introduction, cinq chapitres rédigés par des spécialistes permettent de saisir la place de Landévennec au cours d’un long XIe siècle. L’archéologie et l’histoire de l’art occupent une place notable avec trois chapitres, l’écrit n’est pas oublié avec deux chapitres prolongeant un dialogue amorcé depuis un certain temps entre disciplines complémentaires.
Bernard Hulin et Guénolé Ridoux rappellent, dès les premières lignes de l’introduction, le colloque fondateur de 1985 [2]. Ils partent ensuite de l’existant : les vestiges romans actuels attirent et interpellent les visiteurs. Très tôt, les voyageurs et les érudits, puis les premiers historiens et archéologues s’y sont intéressés. En quelques lignes, les principaux noms des chercheurs des XIXe-XXe siècles sont évoqués (Joseph Bigot, Henri Waquet ou encore Roger Grand).
Landévennec et le soi-disant « retard breton »
Les premiers jugements sur l’abbaye furent lapidaires : barbare, maladroit ou grossier. À la pointe de la Bretagne, et donc loin des centres et des édifices romans majeurs, Landévennec illustrait ce fameux « retard breton » que l’on retrouve encore parfois dans des publications récentes. Le modèle centre/périphéries a laissé des traces tenaces que les chapitres suivants vont s’attacher à fortement revoir.
Entre le VIe siècle et le XVIIIe siècle, Landévennec a vu se superposer pas moins de sept projets monastiques. La contribution d’Annie Bardel et de Ronan Pérennec s’intéresse au « chantier roman » et prolonge une série d’articles sur les périodes les plus anciennes de l’abbaye [3]. Jusqu’à il y a peu, la datation des vestiges visibles oscillait entre la fin du Xe siècle et le début du XIIe siècle.
Les fouilles menées de 1978 à 2002 avec la découverte de plus de 50 000 objets, dont les résultats paraissent au fil de l’eau, ont permis d’affiner considérablement la chronologie et le phasage de la construction. Après le départ des moines au début du Xe siècle à la suite des raids vikings, la communauté revient dès les années 950. Les bâtiments monastiques sont entretenus et réaménagés vaille que vaille.
La prospérité de l’abbaye dans la première moitié du XIe siècle
Deux catastrophes surviennent alors faisant le bonheur des archéologues. Un incendie (ca. 1020) et une inondation rampante durant la première moitié du XIe siècle ont piégé du matériel archéologique, en particulier de nombreuses pièces de bois, ce qui permet de proposer comme période d’édification de la nouvelle église abbatiale et d’une large partie des bâtiments monastiques les années 1025-1050. Ceci implique une réelle prospérité de l’abbaye, qui pouvait compter sur des domaines fonciers, mais aussi sur ses donateurs. On soulignera ainsi la mise au jour de 27 tombes, dont les occupants étaient tous des hommes avec des caractéristiques osseuses propres aux « cavaliers » (p. 42), probablement certains comes, vicomes et milites cités dans le cartulaire.
Le chapitre rédigé par Éliane Vergnolle souligne d’emblée et avec force la place qu’occupe l’abbaye dans l’histoire de l’art roman, non seulement en Bretagne mais aussi dans l’ouest de la Francie. L’abbatiale est une construction innovante et ambitieuse tant au niveau lapidaire (pierre de taille, abondant décor sculpté) que du plan (dimension, chevet à déambulatoire, chapelles rayonnantes). Le contexte est effectivement celui de la réforme monastique, même si celle-ci infuse en Bretagne depuis quelque temps déjà. Malgré la disparition des reliques, le pèlerinage à saint Guénolé est réactivé.
La volonté d’un comte de Cornouaille fondateur
La reconstruction de l’abbatiale commence donc par celle d’un bâtiment mémoriel entièrement en pierre – rare au début du XIe siècle –, édifié en souvenir de la sépulture du fondateur du monastère. Des parallèles sont établis avec les grandes cathédrales (Chartres ou Orléans), ainsi qu’avec les principaux sanctuaires, tel Saint-Martin de Tours. Le projet était ambitieux. É. Vergnolle souligne la volonté d’un autre fondateur : Alain Canhiart, comte de Cornouaille.
