Le GDHSSB : les qualités éminentes d’un beau livre
Bernard Tanguy, Grand dictionnaire historique des saints et saintes de Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2024, 688 p.
Bernard Tanguy, chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (Cnrs), membre du Centre de recherche bretonne et celtique (Crbc), laboratoire de l’université de Bretagne occidentale (Ubo), a été un chercheur prolifique, l’un de nos meilleurs spécialistes de la toponymie historique de Bretagne à laquelle il a consacré la plupart de ses travaux, à commencer par sa thèse de doctorat de troisième cycle – demeurée inédite – soutenue à Brest en 1973 sous la direction de François Falc’hun et intitulée Recherches autour de la limite des noms de lieux gallo-romains en -ac en Haute-Bretagne.
- Colonne de gauche. Bernard Tanguy en 2005. Source : Wikipedia.
Nombre d’ouvrages et d’articles sur ce thème toponymique ont suivi, dont nous retiendrons seulement ici ses deux Dictionnaires des noms de communes, trèves et paroisses […] du Finistère et des Côtes-d’Armor (1990 et 1992) et les plus austères – mais ô combien nécessaires et utiles – index des cartulaires de Redon (2004), Quimperlé (2014) et Landévennec (2015), ces deux derniers publiés dans la collection des « Sources médiévales de l’histoire de Bretagne », vaisseau amiral de la Shab.
Une longue lignée d’hagiologues
Avec un tel parcours dans la longue durée, B. Tanguy était on ne mieux placé pour composer ce Grand dictionnaire historique des saints et saintes de Bretagne (Gdhssb), grand par sa taille (24 x 30 cm) et ses 688 pages, induisant un poids supérieur à 3 kilogrammes… L’auteur s’inscrit dans une longue lignée d’hagiologues, tout d’abord Albert Le Grand et Guy-Alexis Lobineau, suivis par une pléiade de nombreux autant qu’inégaux écrivains, entre autres Arthur de La Borderie, François Plaine, Léonce Roumain de La Rallaye, Anatole Le Braz, Florian Le Roy, Joseph Chardronnet ou Louis Pape.
Notons aussi un Dictionnaire des Saints bretons publié en 1979, un livre fumeux au titre cousin – mentionné, à la différence de quelques-uns de ceux précédemment énoncés, dans une bibliographie de vingt-neuf pages écrites en petits caractères. Le Gdhssb utilise évidemment les travaux de François Duine, René Largillière, Bernard Merdrignac ou Joseph-Claude Poulin, mais son but est tout différent car il ne se consacre pas qu’à la seule étude des textes hagiographiques. De notre point de vue, son apport essentiel réside en les innombrables données sur l’hagio-onomastique bretonne, augmentant considérablement la nomenclature publiée en 1910 par Joseph Loth dans ses Noms des saints bretons.
L’opiniâtreté d’un comité éditorial
Le décès de B. Tanguy, le 30 janvier 2015, aurait pu empêcher la naissance de cette somme tant attendue. Mais, fort heureusement, un comité éditorial composé de ses amis au sein du Crbc et du Centre international de recherche et de documentation sur le monachisme celtique (Cirdomoc) a repris le flambeau. Que soient félicités pour leur opiniâtreté
- André-Yves Bourgès,
- Jean-Yves Éveillard,
- Laurent Héry
- et Philippe Lahellec,
- auxquels se sont adjoints les éditeurs de Skol Vreizh, Paolig Combot et Jean-René Le Quéau.
Publier un tel travail relève de l’apostolat, mais aussi d’un pari économique que l’on espère réussi. Deux de ces collègues présentent en préface, avant-propos et introduction, le parcours du chercheur, et « Le comment » du Gdhssb où sont exposées les trois catégories de saints[1] ceux de l’hagiographie – joliment dénommés par Guy Philippart les « saints de papier » –, ceux de la liturgie, dont la mémoire est entretenue par calendriers et liturgie, enfin ceux de la toponymie, présentée comme une « machine à fabriquer des saints ».
Mais tous les saints ne sont pas prophètes en leur pays…
Aux saints connus localement, l’auteur ajoute près de 300 personnages du sanctoral de l’Église universelle, établissant de ce fait une liste de tous les saints vénérés en Bretagne, et non celle des saints de Bretagne, qu’elle qu’en soit l’origine géographique. L’idée est intéressante, dans la mesure où cela n’avait jamais été fait auparavant, du moins à une aussi large échelle, différents auteurs s’étant naguère intéressés, département par département, aux dédicaces des églises, aux fontaines, statues, etc. Mais de ce fait le titre de l’ouvrage apparaît un peu décalé par rapport à son propos, puisqu’il semble annoncer une étude des seuls saints autochtones (ou venus d’outre-Manche), qui apparaissent un peu noyés dans la masse.
