Maina-Sicard-Cras

SICARD-CRAS Maïna

Journaliste bilingue à France Télévisions depuis 2017 , elle est titulaire d’une triple licence (histoire de l’art, histoire et journalisme). Elle a validé en 2016 un master 1 de breton à l’Université de Rennes 2 et en 2020 un master 1 et 2 en Sciences des religions et sociétés à l’Université d’Artois. consistant en une analyse de la population des médecins ordonnés diacres en France.

Depuis 2021, elle est inscrite au CRBC comme doctorante en histoire contemporaine. Le sujet de sa thèse traite de l’évolution de l’usage du breton dans l’Église catholique à l’époque conciliaire (d’après la Seconde Guerre mondiale à nos jours), sous la direction de Fabrice Bouthillon. Son comité de suivi de thèse est composé d’Yvon Tranvouez et Anne Jusseaume.

Elle est intervenue au congrès 2022 de la SHAB à Carhaix sur le sujet suivant :

Les obsèques de Marc’harid Gourlaouen (1987) à Douarnenez

Oferenn e brezhoneg penn da benn (« Un office en breton du début jusqu’à la fin »). Cette phrase a été écrite, ou plutôt griffonnée, par Marguerite Gourlaouen, dit Marc’harid Gourlaouen, lorsque celle-ci écrivait ses dernières volontés en 1987. Tout y est : du choix des prières et des chants en latin et breton, aux fleurs et à l’annonce dans la presse. Elle exige d’ailleurs qu’Ouest-France et Le Télégramme soient prévenus et annoncent son décès en français et en breton. Née à Douarnenez le 3 février 1902, Marguerite-Marie Gourlaouen dirige en 1932 avec Fransez Kervella Skol Ober, une école par correspondance pour apprendre le breton. Pendant 45 ans (de 1932 à 1977), elle restera à sa tête. Elle décède à l’âge de 85 ans le 31 mai 1987. Son enterrement a lieu à Douarnenez le 2 juin.

Stupéfaction, horreur, les mots ne suffisent pas pour décrire l’affront ressenti par les amis ou connaissances de Marguerite venus lui dire un dernier au revoir : « Il paraît même que plusieurs personnes sont sorties de l’église pendant la cérémonie » écrit l’abbé Dubourg, présent aux obsèques. Le breton n’est utilisé que pour la première lecture, le refrain de la prière universelle et un cantique. Le curé de Douarnenez, Michel Péron, justifie cet office, estimant que le « tout breton » exclurait des fidèles de la paroisse : « il faudrait une liturgie compréhensible à la plupart ».

C’est la revue Al Liamm dans son no 242-243 qui informe ses lecteurs de l’affaire. Parmi eux, Yann Talbot, prêtre militant bretonnant de Rostrenen, s’insurge de cette situation. À partir du mois d’août 1987, il appelle, via la presse quotidienne et son réseau personnel, toutes les personnes choquées à signer une pétition et à écrire une lettre au curé de Douarnenez. Des centaines de lettres ont été écrites, en français, en breton et en anglais. L’affaire prend de l’ampleur, se médiatise, ce qui agace le diocèse de Quimper et Léon qui, après avoir essayé d’apaiser la situation, durcit ses positions. Dans les correspondances de Mgr Barbu, Yann Talbot est ainsi défini comme un « prêtre fanatique du breton, étranger au diocèse » et les signataires sont « des amis lointains de la défense des langues minoritaires ». Le positionnement du diocèse est clair : « la langue est au service de la liturgie et non la liturgie au service de la langue ».

Que nous apprend cet événement sur l’usage de la langue bretonne dans l’Église à la fin des années 1980 ?

Le texte de sa contribution est paru dans le tome CI (2023) des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 601-622.