MANDARD Léandre

Agrégé d’histoire et doctorant au Centre d’histoire de Sciences-Po (CHSP). Après avoir étudié le mouvement militant gallo au XXe siècle, il s’intéresse à l’histoire sociale, culturelle et environnementale de la modernisation agricole en Bretagne. Il est secrétaire du comité de rédaction de l’Encyclopédie de la Haute-Bretagne (dir. Pascal Ory, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.

Il est intervenu au congrès 2022 de la SHAB à Carhaix sur le sujet suivant :

Résister au remembrement rural en Bretagne dans les années 1970. Le cas de Trébrivan

Pendant toute la décennie 1970, le remembrement de la commune de Trébrivan (Côtes-d’Armor), à une dizaine de kilomètres au nord-est de Carhaix, a défrayé la chronique, au point d’incarner l’opposition à cet aménagement foncier controversé. C’est sans doute, en partie, parce qu’il fut marqué par des alliances inattendues du côté des contestataires : cultivateurs ordinaires s’estimant spoliés, membres du mouvement breton attachés au bocage et à la culture paysanne, cinéastes sensibles à l’écologie, ou encore militants maoïstes défendant les petits paysans contre un aménagement qui favorise les « gros ».

Le répertoire de la contestation n’en fut que plus varié : constitution d’un comité de défense paysanne, multiplication des recours légaux jusqu’au Conseil d’État, arrachages de bornes, envahissement de la mairie pour empêcher l’adjudication des travaux, obstruction du travail des bulldozers, pétition contre l’internement psychiatrique d’un habitant rebelle à l’opération, organisation d’événements de soutien aux opposants… Malgré cette résistance opiniâtre, les travaux furent effectués sous protection des gendarmes mobiles, et le remembrement mené à son terme, laissant derrière lui une communauté villageoise divisée et, près de cinquante ans après les événements, une mémoire encore douloureuse.

Nous resituons ces événements dans une histoire et une géographie plus larges, pour nous demander dans quelle mesure ce remembrement, par l’écho exceptionnel qu’il a rencontré et la mobilisation qu’il a suscitée, nous donne à voir des rapports de domination, des souffrances et des résistances généralement invisibilisés, mais inhérents à la plupart des opérations de remembrement.

Le texte de sa contribution est paru dans le tome CI (2023) des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 193-215.