GUÉGAN Isabelle

Vendeurs mais aussi acheteurs. Le rapport au marché des paysans bas-bretons au XVIIIe siècle

Isabelle Guégan a présenté une communication sur ce sujet lors du congrès de la SHAB à Loudéac en septembre 2024.

Longtemps a prévalu l’idée que sous l’Ancien Régime le paysan vivait en autarcie sur sa tenue. Il aurait alors vendu tout ce qu’il lui était possible de vendre (bleds, animaux, lin, chanvre, beurre, etc.) et n’aurait acheté que le minimum de denrées et objets sur les marchés ou les foires. Or, de nombreux travaux récents ont examiné à nouveau frais cette idée qui allait à l’encontre de la présence des nombreux marchés et foires qui maillaient le territoire et qui étaient intensément fréquentés par les paysans.

L’historiographie a trop longtemps présenté l’histoire de la paysannerie comme une « histoire immobile » dans laquelle le cadre de vie ou les outils agricoles du paysan auraient peu ou prou été identiques tout au long des trois siècles de l’Ancien Régime. Mais l’examen minutieux des inventaires après décès par exemple prouve que le paysan, s’il est bien vendeur, est aussi acheteur de denrées ou objets qu’il ne produit pas.

Cela peut concerner des outils agricoles, ferrés notamment, du linge (rubans, coton), comme des boucles de souliers, des poteries d’usage quotidien et, dans une moindre mesure, des denrées coloniales (café, sucre) ou tout simplement des condiments tels que sel et poivre.

Enfin, a souvent été omis le marché de seconde main, difficile à saisir, mais que l’on perçoit dans les ventes publiques servant d’inventaire après décès où la population du voisinage se saisit de l’occasion d’acquérir à prix réduit des objets du quotidien. Notre étude portera notamment sur les paroisses de la subdélégation de Quimperlé et des inventaires après décès de Querrien et Moëlan ainsi que sur quelques sources littéraires.

Isabelle Guégan est docteur en histoire moderne et chercheur associé au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC). Thèse soutenue en 2018 sous la direction du professeur Philippe Jarnoux « Rapport à la terre, conflits et hiérarchies sociales au XVIIIe siècle en Basse-Bretagne ». Principaux champs de recherche : histoire des campagnes bretonnes sous l’Ancien Régime, pratiques agraires, relations seigneurs paysans, histoire des épidémies et de la démographie.

Publications :

  • Isabelle GUÉGAN, « Marché de la terre et cycle de vie chez les paysans aisés de la région de Quimperlé au XVIIIe siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. XCV, 2017, p. 79-107.
  • Isabelle GUÉGAN, « Le pré dans l’économie agraire bas-bretonne au XVIIIe siècle. Aménagements hydrauliques et spéculations foncières », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 128/1, 2021, p. 55-78.

Isabelle Guégan est intervenue, avec Brice Rabot, au congrès 2021 de la SHAB à Rennes sur le sujet suivant :

L’histoire rurale de la Bretagne depuis un siècle

L’histoire des campagnes bretonnes du Moyen Âge à la Révolution française fait l’objet de plusieurs paradoxes. Le premier, que les historiens n’ont pas manqué de souligner, tient à la difficulté d’appréhension des sources. Regroupant la très grande majorité des habitants à travers les siècles, les campagnes bretonnes restent malgré tout difficiles à étudier faute de sources explicites. Les archives posent en effet de nombreuses questions auxquelles il n’est pas toujours possible de répondre.

Pour autant, et c’est là un deuxième paradoxe à souligner, les campagnes bretonnes ont régulièrement été replacées au centre des attentions historiques. D’Henri Sée, avec l’étude des classes rurales, à Jean Gallet, avec l’étude des rapports entre seigneurs et paysans du XVe siècle au XVIIIe siècle, en passant par Jean-Pierre Leguay et Hervé Martin, avec l’étude de la Bretagne au tournant des XIIIe-XVe siècles, des pistes ont été esquissées pour jeter des regards plus approfondis sur les ruraux.

Depuis le début des années 2000, l’histoire rurale bretonne a connu de profondes réorientations, croisant les approches et les concepts empruntés aux autres sciences humaines. L’anthropologie historique, la géographie, l’archéologie, la sociologie ou encore le droit ont ouvert d’autres perspectives dont se sont saisis les chercheurs pour tenter de comprendre l’essence des campagnes bretonnes à travers les siècles. Mais, malgré ces efforts, les campagnes bretonnes n’ont pas fait l’objet d’une monographie régionale qui leur soit entièrement consacrée, contrairement aux régions voisines (comme l’Anjou à la fin du Moyen Âge).

Le congrès du centenaire de la SHAB offre une occasion unique de se pencher sur ces thématiques. Notre objectif n’est nullement de pallier les lacunes historiographiques. Il s’agira, plus modestement, de mettre en exergue quelques pistes de recherche qui ont récemment démontré la richesse et l’intérêt de l’histoire rurale. Ce faisant, nous établirons quelques éléments issus des investigations les plus récentes pour prouver, s’il en était besoin, que l’histoire rurale bretonne est non seulement riche en perspectives, mais aussi parfaitement adéquate pour interroger de larges pans de l’histoire bretonne, au croisement des grands champs historiques et des autres sciences humaines.

Le rapport à la terre avec les relations sociales induites, l’insertion dans les circuits d’échanges (matériels ou immatériels) pour organiser les structures rurales, le droit foncier avec les rapports de force, les stratégies et les accommodements des uns et des autres pour tirer au mieux profit des potentialités agraires sont autant de points sur lesquels nous reviendrons.

Le texte de leur contribution est paru dans le tome C (2021) des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, p. 411-435.