Denise Delouche (1933-2024). In memoriam

À la suite de son décès, Catherine Laurent, ancienne présidente de la SHAB, et Philippe Guigon, actuel secrétaire général, ont tous deux souhaité rendre hommage à Denise Delouche, l’historienne de l’art en Bretagne qu’ils ont bien connue. Ses obsèques seront célébrées lundi 12 août à 10 h 15, au crématorium de Rennes Métropole à Vern-sur-Seiche.

Une reconnaissance internationale

Ceux d’entre nous qui ont connu Denise Delouche lors de nos congrès se souviennent de ses interventions passionnées dès qu’il s’agissait d’histoire de l’art. Elle était reconnue internationalement pour ses travaux sur les peintres de la Bretagne, qu’il s’agisse de monstres sacrés comme Gauguin ou d’obscurs artistes dont elle excellait à montrer le talent. Élève d’André Mussat, elle lui avait succédé à la chaire d’histoire de l’art à l’université de Haute-Bretagne et a ainsi formé plusieurs générations de chercheurs dont elle suivait avec intérêt les travaux ultérieurs.

Membre du comité de la SHAB pendant de longues années, elle y a apporté sa vivacité et sa rigueur. C’est elle qui a proposé le logo que nous utilisons toujours, d’après un dessin de Jeanne Malivel. C’est elle qui a remué ciel et terre pour que l’album de Félix Marant-Boissauveur soit publié. Son avis, toujours véhément, était précieux, comme l’étaient les articles qu’elle publiait dans les Mémoires.

En 2022, un article magistral

Régulièrement, elle prenait prétexte du thème abordé au congrès pour étudier un sujet neuf, parfois avec malice : en 2005, le thème du monde rural lui suggère d’étudier « les peintres, les oies et les cochons en Bretagne ». En 2022 elle livrait un article magistral sur « Vingt-cinq ans d’expositions et de publications en Bretagne sur la peinture (xixe-xxie siècle) » qu’elle seule pouvait produire, signant là son dix-huitième et dernier article pour notre société.

Son décès survenu à l’âge de 91 ans laisse une place inoccupée dans la recherche en Bretagne. Nous regretterons son insatiable curiosité, son esprit ouvert à l’aventure intellectuelle et le caractère passionné de son éternelle jeunesse.

Catherine Laurent

Elle représentait l’histoire de l’art en Bretagne

Notre amie Denise Delouche est décédée le 5 août 2024. La Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne perd ainsi une amie fidèle, adhérente de très longue date et membre de son comité de 1995 à 2011, où elle représentait l’histoire de l’art en Bretagne, reflet de son activité professionnelle à l’Université de Rennes 2. En effet, après une carrière dans le secondaire comme professeure d’histoire-géographie — brillant sujet, elle avait été major du concours de l’agrégation —, elle avait intégré les rangs de l’enseignement supérieur, où elle se plaisait aux travaux géographiques.

Mais son destin prit un cours nouveau lorsque André Mussat (1912-1989), alors professeur d’histoire à l’Université de Haute-Bretagne, fit en quelque sorte sécession en créant en 1967 une toute nouvelle section d’histoire de l’art, la première dans l’ouest de la France.

Il recruta ainsi Denise Delouche, laquelle fut chargée de l’enseignement de la peinture, son objet de prédilection, qui devait s’orienter plus particulièrement vers la Bretagne à partir du moment où son mentor accepta de diriger sa thèse, non sans réserve… En effet, elle avait placé en exergue à ses remerciements de la réédition en 2016 de ses Peintres de la Bretagne, la phrase suivante : À la mémoire d’André Mussat qui, au moment où j’entamais une thèse sur le sujet, m’avait posé la question : « Croyez-vous qu’il y ait assez de matière ? »

Une œuvre magistrale

Il y avait effectivement « matière », et sa très belle thèse, soutenue sous l’autorité d’André Mussat le 30 mai 1975, Les peintres de la Bretagne avant Gauguin, reçut les compliments les plus flatteurs, ce qui lui valut d’être publiée en 1977, allégée pour des raisons éditoriales, avec un titre un peu différent, Peintres de la Bretagne. Découverte d’une province. Dire que presque un demi-siècle plus tard on n’a pas fait mieux aurait entraîné de sa part de vives protestations, mais il est absolument vrai que ce travail a été, et demeure, un livre de chevet pour tous ceux qui aiment la peinture de la Bretagne et de ses peintres, antérieurement à ce qui est appelé l’École de Pont-Aven.

Cette thèse novatrice a été suivie depuis, et jusqu’au dernier souffle de notre amie, de beaucoup d’enfants, articles, brochures, livres, catalogues, qu’il serait ici illusoire de vouloir présenter de façon exhaustive : d’autres que nous s’aventureront avec délice dans une œuvre magistrale, fruit de dizaines d’années d’expertises et de découvertes, parfois improbables.

Des découvertes toujours éclairantes et passionnées 

Denise Delouche a formé des générations d’étudiants, ce qui semble un truisme dès qu’est évoquée la mémoire d’un enseignant — corrigeons immédiatement en « une enseignante », car elle ne plaisantait pas, et à juste titre, sur le féminisme ! —, mais l’ensemble, unanime, de la collectivité des amoureux de la peinture de Bretagne, de la peinture en Bretagne, professionnels et amateurs, lui en est profondément reconnaissant. Elle se passionna pour des peintres oubliés ou presque et offrit à un large public, subjugué, des œuvres et des noms qui, sans elle, seraient retombés aux oubliettes de la mémoire.

Sa curiosité toujours en éveil était, pour ceux qui l’ont connue, un vrai régal, car ils avaient alors la chance d’assister à une métamorphose, et ce jusqu’à son dernier souffle : elle redevenait alors pétulante comme une adolescente, piaffant d’impatience à l’idée d’écrire des textes sur « sa » découverte, toujours très éclairants et passionnés !

Avec délectation, jusqu’à la plus actuelle des créations artistiques

Outre des artistes reconnus, tout d’abord ses chers Mathurin Méheut et Yvonne Jean-Haffen, évoquons un seul exemple, sa joie, son émerveillement, devant l’album du marin totalement inconnu Félix Marant-Boissauveur, et son enthousiasme communicatif : dès qu’elle le vit, elle n’eut de cesse de le faire publier par les Presses universitaires de Rennes avec le concours de notre Société.

Car Denise Delouche fut l’un des piliers de la SHAB — elle milita activement pour que notre logo reprenne un dessin de Jeanne Malivel —, ce que confirme la liste des travaux qu’elle y présenta, tant en articles qu’en comptes rendus, car rien de ce qui concernait la peinture de sa chère Bretagne ne lui était ignoré. Loin de demeurer fidèle à son sujet de thèse, elle s’aventura avec délectation jusqu’à la plus actuelle des créations artistiques, toujours avec un égal bonheur et une appétence évidente pour la modernité.

Philippe Guigon

La plupart des travaux de Denise Delouche signalés dans cette bibliographie peuvent être consultés en ligne :

  • directement à partir de ce site Bretagne Histoire, en cliquant l’onglet « Recherche » ci-dessus dans l’en-tête du site.
  • ou sur le site premier de la SHAB en cliquant l’onglet « Recherche » sur fond rouge à droite de la page d’accueil.